Une terre d’histoire pour de grands vins
Tout comme la région qu’il sillonne, le vignoble alsacien s’est enrichi de nombreux apports au fil des siècles.
Les premières traces de vigne en Alsace
La vigne, sous des formes assez éloignées des variétés actuelles, a existé bien avant l’apparition de l’homme sur le territoire géographique qui devait former par la suite la vallée du Rhin.
Mais si les fruits de la vigne ont été utilisés dans cette région depuis des temps immémoriaux, le passage du stade de la cueillette à celui de la culture proprement dite s’est effectué après la conquête romaine. Des vestiges témoignent de l’importance grandissante de la viticulture : amas de pépins, restes de fûts de bois, puis peu à peu motifs de décoration utilisés à partir de la vigne sur poteries ou en bas-reliefs. L’existence, dès le IIème siècle, de transports de vin sur la Moselle et le Rhin prouve également que cette production est entrée très rapidement dans l’ère de la commercialisation.
La vigne résiste aux invasions
L’invasion des Germains au Vème siècle amène un déclin passager de la viticulture, mais des documents écrits nous révèlent que les vignobles ont assez rapidement repris une importance croissante, en relation d’ailleurs avec l’influence prépondérante, sous les règnes des Mérovingiens et des Carolingiens, des évêchés, abbayes et couvents fondés en grand nombre à cette époque. La vigne couvre peu à peu la terre alsacienne.
L’âge d’or
Au début du XIIIème siècle, on dénombre une centaine de villages viticoles, puis 170 au XIVème siècle. Cette expansion se poursuit sans interruption jusqu’au XVIème siècle, au cours duquel elle atteint son apogée.
Les maisons de style Renaissance, présentes encore dans maintes communes viticoles, témoignent de la prospérité de ce temps où les Vins d’Alsace s’exportent dans toute l’Europe grâce notamment aux transports fluviaux (l’Ill, le Rhin). Des taxes sur le vin, extrêmement lucratives pour les municipalités, les monastères ou les seigneurs, sont imposées.
Durant cette époque naissent également les premières réglementations sur les cépages – parmi lesquels sont déjà mentionnés le Traminer, le Muscat ou le Riesling –, leur culture et leur vinification. Ces réglementations, sévères pour l’époque, témoignent de la volonté d’affirmer l’identité des vins à travers une viticulture de qualité.
De la guerre de Trente Ans au phylloxera
La guerre de Trente Ans (1618-1648), période de dévastation par les armes, le pillage, la faim et la peste ont des conséquences catastrophiques sur la viticulture comme sur les autres activités économiques de la région. Les villages sont ruinés, le vignoble saccagé.
Le commerce fluvial est interrompu ainsi que les relations vers les pays nordiques (Pays-Bas, pays scandinaves, Allemagne du nord et du centre, Angleterre).
Mais dès la fin de la guerre et malgré la perte de ces marchés, les cités viticoles des collines sous-vosgiennes, à l’image d’Ammerschwihr, se reconstruisent. Tout au long du XVIIème siècle, Strasbourg reste le centre privilégié des exportations en Allemagne et en Lorraine, tandis que Colmar et sa région visent le marché Suisse, la Souabe, la Bavière, une partie de la Lorraine et les vallées vosgiennes. Les Vins d’Alsace « des coteaux » sont reconnus comme d’excellents vins blancs.
Devant le succès des Vins d’Alsace, certains propriétaires n’hésitent pas à dépasser les limites traditionnelles fixées pour la culture de la vigne. Le vignoble dévale dans la plaine où sont cultivés des cépages communs destinés à une production de masse, créant une opposition avec le vignoble des coteaux qui continue à produire des vins de qualité.
En 1731, un édit royal tente de mettre fin à cette situation mais sans succès, la tendance s’accentuant encore après la Révolution. En effet, la nationalisation des terres seigneuriales et ecclésiastiques a des conséquences importantes sur la physionomie du vignoble : les propriétés, morcelées, sont rachetées par les paysans qui produisent à leur tour du vin.
Avec l’époque napoléonienne, les vignerons produisent à outrance des vins appréciés par les armées, ce qui incite encore à la plantation de nouveaux ceps : la superficie du vignoble passe de 23 000 hectares en 1808 à 30 000 hectares en 1828.
Il s’instaure une époque de surproduction, souvent fatale aux vignobles des coteaux, aggravée par la disparition totale des exportations et une diminution de la consommation du vin au profit de la bière.
En 1870, cette production de masse est maintenue durant l’occupation des Allemands. Les négociants achètent à bon marché des vins acides provenant de cépages productifs. Ces vins, sans corps et sans fruité, se prêtent bien à la fabrication des vins artificiels allemands, coupés avec de l’eau, du sucre et des arômes. Les Vins d’Alsace perdent toute identité tandis que le déferlement de vins frelatés sur le marché aboutit à la chute des prix.
Les accidents climatiques et les maladies de la vigne, l’oïdium et le phylloxera, s’ajoutent à ce tableau déjà bien sombre.
Le renouveau après la Première Guerre mondiale
En 1918, de la plus grande région viticole allemande, l’Alsace redevient la plus petite région viticole de France.
Afin de résister aux maladies qui menacent d’éradiquer le vignoble, les viticulteurs ont recours aux hybrides. Deux tendances économiques s’affrontent alors durement : d’une part, les partisans d’une production de vins de qualité élaborés à partir de cépages typiques et, d’autre part, ceux qui sont persuadés qu’il faut produire des masses de vins bon marché, au besoin à l’aide d’hybrides-producteurs directs.
Le vignoble doute et régresse. Ainsi, la diminution de la superficie du vignoble, amorcée en 1902, se poursuit jusque vers 1948, tombant à 9 500 hectares dont 7 500 en appellation Alsace.
C’est au cœur de ces épreuves que les viticulteurs alsaciens se rassemblent et décident d’organiser la profession, au sein de l’Association des Viticulteurs d’Alsace (AVA). Ils mettent toute leur ténacité à améliorer la qualité des vins et à renouer avec la grande tradition des Vins d’Alsace.
Mais le contexte historique leur est une fois encore défavorable et il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour voir le vignoble se lancer dans un véritable plan de restructuration.
La période contemporaine : consécration en AOC
Une ordonnance est signée le 2 novembre 1945 par le Général de Gaulle. Elle définit les appellations d’origine des Vins d’Alsace et fixe les premières règles. L’aire de production est délimitée, en privilégiant les coteaux au détriment des plaines. Les anciens cépages productifs sont abandonnés au profit des cépages les plus fins. L’évolution du vignoble alsacien vers une production de vins de qualité se concrétise par la reconnaissance de l’AOC Alsace en 1962.
Peu à peu, la nécessité d’une harmonisation des intérêts et des moyens des différentes familles professionnelles apparait, en particulier pour fixer le prix des raisins. En résulte la création par décret, le 22 avril 1963, du Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace, dont les quatre missions fondamentales sont les suivantes :
- procéder à toutes études sur la production et la commercialisation des Vins d’Alsace et centraliser à cet effet toutes statistiques et tous renseignements d’ordre technique, économique et pratique ;
- apporter aux producteurs, coopératives vinicoles, négociants, courtiers et commissionnaires toute assistance technique et pratique utile pour l’amélioration du vignoble et de la qualité des Vins d’Alsace ;
- faciliter les relations entre producteurs et acheteurs de raisins, notamment en étudiant chaque année les éléments de la fixation des prix des vendanges ainsi que les modalités de paiement applicables aux transactions les concernant ;
- informer les consommateurs, en particulier les consommateurs étrangers, de la qualité des Vins d’Alsace, et développer l’exportation de ces vins.
Suivent les décrets de l’AOC Alsace Grand Cru en 1975 et de l’AOC Crémant d’Alsace en 1976. Le cadre règlementaire fixé par ces AOC ne cesse depuis d’évoluer, avec la définition de critères plus sévères et plus ambitieux.
En cinq siècles, il n’est pas un vignoble qui ait subi autant d’aléas que celui d’Alsace. Aujourd’hui, il se situe parmi les plus belles et grandes régions de production françaises.
Grâce aux efforts constants accomplis ces dernières décennies par toute la profession, la qualité des Vins d’Alsace est unanimement reconnue. Proches de leur terroir et fiers du chemin parcouru, les viticulteurs alsaciens font des vins qui leur ressemblent, des vins authentiques, frais et aromatiques. Rassemblés au sein du CIVA (Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace) et de l’AVA (Association des Viticulteurs d’Alsace), producteurs et négociants concourent ensemble au rayonnement des Vins d’Alsace dans le monde.